Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
In my Pocket
Archives
13 janvier 2005

Passeur

Catégorie: Dark Side

Relisant mes veines, je me demande si celui qui se tord ne vaut pas mieux que celui qui se pavane. Je pourrais avoir peur de perdre la verve, et la rage si elles n'étaient pas encrées dans ma chair comme le métal que les cicatrices recouvrent. Puis-je quitter les rives du mal, vraiment? Je crois qu'aucun bateau ne m'emmènera jamais assez loin pour ne plus le sentir, je crois que quand le diable connaît votre chanson il vous la fredonne, parce qu'il sait que vous y êtes accro, même si ça fait mal, même si ça coule dans vos veines comme des légions de rasoirs, parce que c'est vous, que vous le savez et que vous ne voulez pour rien au monde qu'on vous coupe la tête, ou la chique.

 

Relisant tout le sang que j'ai fait s'écouler hors de moi, comment je pourrais ne pas l'envier, ne pas vouloir être sûre qu'encore il ira rougir mes nuits, qu'il ira engloutir encore ces démons, qui reviendront encore, et que je les regarderai danser avec un écoeurement avide, enivrée de l'urgence de savoir que je suis seule à pouvoir les toucher, à les posséder autant qu'ils me possèdent, et que s'ils ont des dents pointues c'est parce que la vie est faite pour sortir de moi, et couler, couler jusqu'à plus soif, ne pas tarir, ne pas taire, ne pas garder surtout, ne rien garder.

 

Ce que je suis tient en peu de mots, que je brasse dans ma folie, avec l'entêtement de l'utopie, croire c'est aussi être de l'autre côté de la frontière, avec ceux de l'autre côté du fleuve, l'autre rive. Et mes passeurs comment je pourrais ne pas vouloir les voir revenir? Cette aliénation qui se tient à la force de la foi, ne pas plier, ne rien fixer que ce point en contrebas, celui qui vous centre et vous fait tenir droit, debout, vers lequel vous vous enfoncez chaque fois que s'ouvre le ventre, le trou noir et béant au fond de vous, qui aspire tout et auquel je ne peux résister. Celui que je vois partout, obsession fantomatique aussi réel qu'une plaie à vif, qui nargue et qui mord, coup de canif au cas où j'oublie, coup de canon à boulet rouge, histoire de rouvrir les blessures, celles que je croyais défaites de moi. Pourtant non, comme des traînées sanguines elles ravagent, fleuves des mourants, elles m'écartent en deux berges et dans le bouillon je descends vers le fond. Puis-je quitter les rives du mal, vraiment?

 

Absurde que de croire qu'on puisse se défaire de ce qui fait la vie, quand on est fait ainsi que le mal qui coule est une chance, une trace divine à suivre à la lettre. Relisant les rives de mes fureurs je ne vois que l'éclat et la force, et quand bien même je les croirais trop loin de moi aujourd'hui, je sais que les passeurs sont là qui guettent, et que tôt ou tard je franchirais le fleuve encore, parce qu'il est là, le secret, et l'aller-retour est peut être une folie, mais c'est tout ce que j'ai. Tout ce que je sais faire.

 

Croire à l'autre rive, c'est un peu en crever, mais comment puis-je renoncer à celui que je suis. Quelle prétention de vouloir refuser. Je n'ai pas peur. Peut importe si je deviens parfois celui qui se pavane. Et que toute la verve semble tarie. Peut importe même si j'en venais à oublier qui je suis, que je m'éloigne si loin des rives du mal. Les passeurs y veillent, ils reviendront me chercher. Le diable sait que j'y suis accro, que j'ai ça dans la peau. Il connaît ma chanson, et il adore la chanter. Et je le laisserai chanter encore, et encore. Sirène hurlante m'ouvrant en deux, la mort n'est pas loin, dans ces guenilles qu'il faut enfiler, la vérité aussi. Un point en contrebas. Et comme je cherche, comme je plonge, le diable chante je le sais. Mais relisant la partition de mes veines, je n'y vois pas sa trace. Je n'y vois que la vie. Et la force. C'est ce que je ramène de l'autre rive. Sans comprendre, sans pouvoir dire comment ni pourquoi, juste que je sais le faire, et que je dois le faire. C'est ainsi.

 

Un passeur. C'est tout ce que je suis.

 

                                                                     Venice by Lucie Van Dongen

Publicité
Publicité
10 décembre 2004

Esprit Clinique

Catégorie: Dark Side

Saigner à blanc, saigner à bleu. Faire feu. De tout bois. De toute foi. Rien ne brûle mieux que les croyances, quand j'y pense. Avoir la langue bien pendue. A l'aise dans l'exercice, la critique facile quand d'autres se défilent, esprit de contradiction corrosif qui attaque les phalanges. A coup de rasoir, suivre le fil et trancher, dans le vif, dans le lard, ne pas s'appesantir dans des somnolences molles, préférer fendre, lamer, en sortir des faux filets au nez des faux filant droits et penaud.

 

Langue de vipère qui susurre les vérités au vitrioles, ça ronge et ça se défend, quand d'autres baissent les yeux motus et bouche cousue, sourire en cul de poule, ça vient et ça montre les dents, ça crache et ça en rit, ça envoie du charbon, et envoie à la mine les connivences polies et policées, policières, qui surveillent d'un œil haut qu'on ne bougeât de trop, histoire de nous en mettre une derrière la tête si on prétendait à dire ce qu'on y avait dedans, petite censure propre des habitudes du bien faire, le bien penser muselle bien mieux que les lanières de cuirs.

 

Les lanières de cuir alors, les enrouler aux poings et viser au visage, frapper les trois coups, ouvrir le bal, y aller de sa sérénade, jouer de la mandoline pour se sortir du violon. La violence se danse, elle se dit elle se donne, et à coups de phrases bien sentie lacérer l'attente, lever les tranches et faire bouger les tanches, en place des silencieuses approbations de circonstance, y aller de sa référence, irrévérencieuse sonate, de celle qu'on distribue à l'assistée assistance, à grand coup de gueule.

 

Avoir l'art et la manière, la croix et la bannière, le bois et la chaudière et allumer la mèche,  y foutre le feu, chauffer à blanc, chauffer à mort, faire rougir, faire rôtir, tourner la broche et piquer au vif, carboniser et canoniser, aviser, deviser, bien viser, et en rire, surtout en rire. De toute façon. Rien n'est plus inflammable que les mensonges, quand j'y songe.

 

Saigner à blanc, saigner à bleu. Signer et faire feu.

 

De plein droit.

 

7 décembre 2004

Le chant du diable

Catégorie: Dark Side

Les cordes que j'enroule à mes bras, comme on remonte les noyés. Le bestiaire à mes portes. Qu'ai-je fait à l'enfer pour qu'il se réclame de mon sang, à longueur de vie, qu'il se rappelle à moi, sans se lasser, sans se vider. Son écho est dans mon corps, chimère de chair, et j'ai des griffes à la place des dents. Je ronge, je longe, l'enfer tourne en boucle. Le reflet de mon visage dans l'eau, une tâche. Je reconnais mon ombre, mais pas mon visage. Des rues à pertes de vue, les vents poussent toujours en sens contraire au cœur, à revers, et les horizons se défilent comme la bande blanche, sans fin, j'en ai le mal de mer, des envies de vomir la bile et l'eau salée, si ça pouvait me dessécher et que j'en crève.

Des cordes à mes arcs, et toutes les flèches sont pointées vers toi. Pas une qui fait mouche, c'est moi qu'elles transpercent, qu'elles clouent au pilori, a priori. Ce que je m'épuise à rester vivante, ce que je m'épuise à dire ton nom. Qu'ai-je celui des voleurs ou des menteurs tatoués sur le front que tu ne répondes pas que je te supplie. J'ai effacé les noms à mon front, tous les noms, ne reste que les traces à mes poignets, ceux des esclaves, qui enroulent les cordes à leurs bras, et remontent les noyés.

Que ne suis-je le noyé, plutôt que de les remonter sans cesse, sans fin. Trop de noyés dans cette vie, trop de suppliques pour rester digne. Pauvres harpies qui vont et qui viennent, sur les quais, le long des grèves, au long de toutes ces rues que je ne prends pas, et que je vois se perdre en angle droit. Leurs issues sont à portée de bras, à portée de cris, mais je ne crie pas. Jamais. Et je ne vomis rien. Pas l'envie qui m'en manque, les tripes sans doute, les tripes. Et le bestiaire à mes portes. Les mains froides des morts. Les mains froides des pauvres. La nuit avale les vies, la mienne, mais elle ramène les noyés sur la côte. On les mettra dans des barques vides et on les repoussera au large, c'est tout ce que je peux faire.

Je reconnais son silence quand il glisse en moi, sa nébuleuse absence qui s'enroule en peine, en regrets et en questions folles. Quand il tisse sa litanie charmante, que je l'aime. Qu'il me tue. Aucune musique plus juste que ce petit battement discret, celui qui compte les secondes, à sa manière, celui qui compte nos doutes, et je vieillis rien que de le sentir. Le chant du diable, l'as-tu déjà entendu? Je le connais par cœur.

Je le connais par cœur.

 

18 août 2004

Oceano Nox

Catégorie: Dark Side

Jusqu'au bout des nuits, mon royaume se trouve là. J'appartiens à ce souffle suspendu entre deux mondes, à ce silence qui respire, à ces voix sans visages qui filent avec leur mystère, le long des immaginations noctambules.

 

Au loin, tout est toujours au loin au long des heures de la nuit. Toujours au loin, et toujours si proche, retentissant jusqu'à l'intérieur de nos corps, tout nous transperce, les bruits, les mouvements, même le silence. Tout est comme un écho à notre propre écho, vibrant dans la nuit tels des phalènes mythiques, nous voilà résonnant des ondes étrangères, passagères, qui nous laisseront sur la grève avec l'aube, alanguis, saoulés.

 

La nuit ennivre de sa noire liqueur, distillée depuis le fond des âges à nos fantasmes et nos instincts, elle sait charmer, belle ensorceleuse, ceux qui cherchent d'autres eldorados, d'autres cités, qui s'arracheraient à cette vie pour rejoindre d'autres mondes, s'ils le pouvaient seulement.

 

Je pourrais presque entendre le cœur des hommes batre à l'unisson à cette heure là, presque leurs souffles en cadence, le rythme lent et régulier de leurs vies endormies, comme un veilleur sans citadelle, attendant l'aube comme on fixe l'horizon je pourrais rester éveillée jusqu'à ce qu'elle vienne, la voir, et m'échouer sur la grève le cœur léger et le corps lourd.

 

Sans doute je suis de ces hommes fait pour ralier l'aube, comme une île promise et salutaire, aux bouts de leur navigation de nuit, sur des océans d'échos et de souffles. Mes nuits sont peuplées des bruits fuyant familiers qui appaisent les tourments de mon esprit, des voix perdues qui sont à mon imagination comme des rubans colorées que viennent nouer des étrangers généreux, et le ciel d'encre reste mon océan, celui où je plonge ma plume, où je dissous mes mauvais sangs pour n'en garder que les étoiles.

 

Mon royaume se trouve là. Immobile dans le souffle légendaire des nuits du monde. Dans les eaux avant l'aube.

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 4 5
In my Pocket
Publicité
Publicité