Tension

Catégorie: Au long cours

Il ne dit rien. Il se tient droit. Il n’en pense pas moins.
Si je le laissais faire, il les enverrait tous chier.
Ils les enverraient tous se faire voir, au diable.
Directement au diable.

Il ne dit rien. Il se contente de se tenir droit, si droit qu’il me crispe.
D’habitude si prompt à gueuler, à râler, à discourir haut et fort.
Il ne dit rien. Et son silence est comme un linceul de drap de laine noir.
Si je le laissais parler, il rugirait à grand renfort de mots roulant et crachant, de ceux qui pourfendent et plantent, qui décapent et clouent. Il dégouaillerait comme l’océan, plein de tempête et d’écume, avec de grands gestes et de méchantes phrases.

Mais il ne dit rien. Il se tient droit. Il se tait. Il se tient.
Je le retiens.
Je le fais taire.
On ne peut pas passer sa vie à hurler, à déverser sa rage et sa furie, à éperonner des vaisseaux ennemis par pleines poignées et à tout brûler.
Pas ici.

Il n'est pas d'accord.

Il ne dit rien, n’en pense pas moins.
A l’intérieur, je sais déjà. Je le sens sûr de lui.
Je le vois, tellement il se tient tranquille.
Il fixe l’horizon, en vainqueur patient et vexé
Comme je l’oblige au silence pour un moment.
Hautain, distant. Il m’ignore du coin de l'oeil. Je le surveille.

Il finira par éclater, par rugir de plus belle.
Il finira par reprendre la barre, relancer la course,
Etre le Capitaine, de nouveau.
Quand je n'aurai pas d'autre choix.
Quand je n'aurai plus que lui.
Je le sais. Il le sait aussi.
Il finira par avoir raison.

Je le fais taire.

Je voudrais juste qu’il n’ait plus besoin de me protéger.