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9 février 2007

Désincarnation

Catégorie: BrightSide

Des rouages des machines vaines et aveugles qui broient nos ossements et nos cicatrices, quelle raison de s'opposer, de croire qu'on pourrait résister, quand le mouvement qui vient nous prendre est tellement simple, que la mort parait être plus évidente que n'importe quelle révolution. A quoi bon reprendre son souffle, refaire un tour, prendre sur soi la responsabilité lourde de cette folie, aller contre les rouages qui mangent, systématiques et imposants, aller contre le sens de la marche, contre l'engrenage. Quand nous ne sommes faits que de chair, faire de cette chair le grain de sable, malgré la faiblesse de cette silice de sang, celle qui viendra se faire déchiqueter entre deux crans, risquer quand même. Parce qu'essayer est la seule raison pour qu'on ne se transforme pas en pierre, en poussière, sans rien laisser, sans avoir de cœur, sans avoir eu de courage ni d'ardeur à quoi que ce fut. Quand face au ciel il n'y a plus que des moulins mécaniques, immenses gueules rouillées qui tournent et ressassent, qui engrangent, qui broient, nos ossements et nos cicatrices. Quand quelque part dans ces champs de machines, aux commandes desquelles personne ne vit, quand on peut être le grain de folie qui éraille, qui arrache, et faire cette différence si ténue, si ténue que personne ne l'entendra sinon l'infinie. Des mâchoires qui se referment et compressent, qui écrasent, dans le silence hurlant des grincements de dents, misère qu'on ne dit pas, hydraulique suffocation, s'aliéner à la ligne d'horizon aussi bleue que la vérité. Se moquer de la raison, puisque tout est absurde et méchant, et être le gros dos, la résistance, le ressort qui casse, oser se briser, s'arquebouter et prendre à contre-pied les monstres de métal et de graisse, ceux qui transpirent l'inhumanité et qui laminent avec conscience. Au diable la conscience, c'est d'amour que l'on manque. Des rouages des machines vaines et aveugles qui broient nos ossements et nos cicatrices, savoir la morsure et feindre d'ignorer la suite, les répétitions, vengeance. Préférer la douce agonie indolore et glisser le long de leurs chenilles, se laisser porter, mourir, échafaud en différé et le retour de lame au garrot. A quoi bon reprendre son souffle. Une différence si ténue que personne ne l'entendra. Quitte à mourir. Mourir en riant. Mourir sans savoir. A quoi bon avoir de l'honneur alors. Dans les champs de mines et d'acier trempé, élimination, assimilation appliquée, engrenages propres qui font les rebus. Puisque tout est réglé, avoir la morgue d'y glisser sa main. Là où il faut. Quand on le sait, quand on le voit, quand il y a une si belle opportunité et quand on fixe si fort la ligne bleue qu'on ne sentira rien, de toute façon. Cet ultime geste comme le seul possible pour ne pas se liquéfier, pour ne pas se rendre, volontaire sacrifiant nos bons esprits pour une excentricité utopique, stupide presque. Rêveur peut être, rêveur forcené. Ne pas trop y réfléchir et laisser le corps répondre. Reprendre son souffle. S'armer. Et aller contre. Puisque rester est déshonorant, trahissant notre être le plus profond, puisque celui qui peut devrait, au moins. Puisque des rouages des machines vaines et aveugles qui broient nos ossements et nos cicatrices, nous ne sentirons rien. Nous qui n'avons plus de chair.

Indian_20Dance_2041
                                                          Indian dancer by Unknown

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Commentaires
A
Ca faisait longtemps que tu n'avais pas écrit un aussi joli texte...
Répondre
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