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19 avril 2004

17 ans

Catégorie: Anecdotes

Vu et entendu dans les allées d'une grande librairie jeudi après midi...

Les vacances de Pâques ont jeté dans les rayons des librairies des hordes de lycéens en quête des ouvrages du bac, plus à vrai dire de tout ce qui pourrait leur éviter la corvée d'avoir à les lire, les chefs-d'oeuvre de la littérature française.

Alors que je m'attardais sur dans la section "littérature étrangère" et en particulier sur la sélection anglo-saxonne, dans mon dos un couple d'ados cherche sur les rayonnages. Une fille avec des mèches de cheveux violettes et quelques percings, un grand garçon en chemise manche courte et grosses basket aux lacets défaits... Je dois admettre que les lacets défaits sont une constante générationnelle chez les ados: ils ont et auront toujours leurs lacets défaits, ou tournicotés ou mis d'une façon étrange, comme si ne pas faire ces lacets normalement était le premier affront à l'autorité. Un moyen d'affirmer qu'ils sont libres, qu'ils ne rentrent pas dans les cases ou un truc du même genre. Etrange cette importance du noeud et du lacet... Quand on y pense il y a là une jolie métaphore: l'adolescence c'est apprendre à faire et défaire les noeuds autrement, apprendre à se lier, et aussi à se délier.

Enfin bref, en plus de cette jeune fille en jupon noire et doc marteens et de ce jeune homme portant un sac à dos trainant presque par terre tellement les bretelles sont longues, une autre jeune fille se pointe, une amie à eux, mais la seule chose que j'arrive à me rappeler d'elle sont les petites peluches pendouillant à la fermeture éclair de son sac à dos. Trois lycéens en vacances absolument réjouis de se retrouver là par hasard en cette après midi de printemps ensoleillé, et qui entament une discussion plutôt bruyante à propos de tout et n'importe quoi, à grand renfort de rigolade. Comme ils ne sont vraiment pas discret et que quand même c'est une librairie et non la bodega du coin, un vendeur s'approche et leur demande s'il peut les aider, jolie manière de couper court à leur discussion et de les pousser vers la sortie. La fille aux cheveux violets lui répond avec quelque chose d'insolent:

- On cherche pour le bac de français...

- Bien sûr, tout le programme bac de français est juste là.

Il montre derrière eux les rayonnages où je les avais vu fouiller quelques instants plut tôt. Mais la fille réplique aussi sec:

- Oui mais les livres on a pas le temps, on voudrait les profils plutôt.

Pour ceux qui ne sauraient pas de quoi il retourne, les Profils sont une collections d'ouvrages didactiques, dont les plus connus et les plus utilisés sont ceux concernant la littérature avec l'étude de grandes oeuvres littéraires... en bref les profils c'est le résumé du livre, l'explication des personnages, des grands thèmes, des influences de l'auteur ainsi que sa biographie et d'autres choses très utiles pour un étudiant qui voudrait éviter de se taper les 300 pages d'un "classique" de la littérature française. En fait pour l'avoir pratiquer moi même, je dirais qu'on sait plus de chose en ne lisant que le profil qu'en lisant le bouquin lui même.

Le vendeur lève un sourcil circonspect et d'une voix blasée les informe, sans grande illusion:

- Les profils ce n'est pas le livre, c'est juste l'explication du livre.

- C'est juste ce qu'on a besoin.

Et elle a pas tord mademoiselle aux cheveux violets, malheureusement pour les profs de français. Le vendeur visiblement habitué s'empresse alors de leur indiquer où sont rangés les Profils et le petit groupe de se mettre en chemin. Le vendeur les regarde faire et secoue la tête, genre "c'est pas comme ça qu'ils vont réussir"... j'ai presque eu envie d'aller le voir et de lui dire que si, que moi je n'ai jamais lu que la moitié de la condition humaine et que pourtant grâce au profil j'ai pu répondre à la question de l'examinateur de français quand il m'a demandé ce que je pensais de la fin tragique des personnages. Comme quoi, je ne suis qu'une fainéante, mais une fainéante diplomée.

Quelques minutes plus tard je retrouvais mes trois lycéens devant la sélection de profils à chercher les titres dont ils avaient besoin. Ils ont dévalisé le rayonnage, la mine ravie, comme des petits pirates fiers de leur butin, égrénant à voix haute les références choisies. Drôle de comptine. On aurait pu trouver ça pathétique ces trois mômes essayant de parer le retard qu'ils avaient accumulés et d'éviter de se planter à l'épreuve, on aurait pu les trouver désespérants, pas vraiment responsables ni sérieux, carrément un peu paumés, à côté de la plaque. Moi je les ai trouvé marrants, attendrissants même. Parce que j'ai été comme eux, j'ai eu mon bac de cette façon. Mine de rien. La fille aux mèches violettes m'a à peine regardé quand ils sont passé à côté de moi pour aller aux caisses et ils se sont éloigner dans l'allée en se poussant du coude et en rigolant. A ce moment là j'ai eu envie de leur dire: "Foncez les mômes! Ca marche aussi comme ça!". J'ai juste souri et intérieurement je leur ai souhaité bon vent, pour le bac et pour après...

Vraiment on n'est pas sérieux quand on a 17 ans. C'est une autre constante générationnelle.

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Commentaires
C
Je ne vois absolument pas pourquoi on n'aurait pas notre bac en ne lisant que les profils... Après tous, les profs de français s'inspirent entièrement des profils pour donner leurs cours et rien ne dit qu'ils ont lu le livre... eux... et pourtant ils ont leur bac
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