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4 mars 2009

Embarquement

Catégorie: Etats d'âme

Il est de retour. Et c'est une claque. Il est de retour et il me cueille au passage. Je pensais l'avoir perdu, l'avoir laissé là, au bord du quai, hagard, les yeux dans le vague. Comme s'il avait perdu la tête, définitivement.

Parce que ces derniers propos me faisaient peur, me mettaient mal à l'aise. Il avait l'air fou, et ridicule. Perdu aussi. Je ne le trouvais plus drôle, et surtout pas rassurant. Je l'avais connu flamboyant, conquérant, je l'avais connu en grands habits, maître d'un fier vaisseau, plein de verve et vaillament secondé. Je l'avais laissé délirant, diminué, son costume mité, râpé, ses gestes risibles, errant sur le pont d'un navire délabré, petit, raillé par un second désabusé le méprisant. Sans comprendre ce qui s'était passé entre les deux. Sans comprendre où je l'avais perdu. Finalement, de moi-même, j'étais descendue du bateau, dans un port, sans même réaliser que je n'allais pas y remonter, que mon escale était définitive. Que je le laissais, pour de bon. Et quand je me retournais, pour voir ce qu'il devenait, lui, je le trouvais assis dans le brouillard, bredouille, au bord d'un quai vide, sans navire, seul, grotesque et pathétique. Et je m'y étais presque faite.

Mais il est de retour. Encore une fois, sans que je comprenne pourquoi, ni comment, il a changé. D'une autre façon. Incroyable. C'est comme s'il m'avait prise par le bras, et le temps que je me retourne, je me suis retrouvée à bord d'un vaisseau, d'un gigantesque vaisseau. Je n'en ai jamais vu de pareil. Jamais. Un vaisseau immense, un pont tellement verni qu'on dirait un miroir, et de larges voiles blanches claquant furieusement, des cordages tendus comme sur un violon, une proue offerte à l'horizon, jusqu'à le toucher presque. Un immense vaisseau fendant l'océan avec force et vaillance, convaincu, conquérant. Et un équipage, un grand équipage, tellement nombreux que je ne saurais dire combien. Un équipage affûté, qui s'affaire, réglé comme une musique, qui se glisse, se faufile, s'arque et s'arrache, tenant la course du navire entre ses mains, comme un seul homme. Mais l'homme, c'est lui. Sans que je comprenne pourquoi ni comment, il a changé de costume. Il porte grand apparât, long manteau et larges épaules. Ses gants noirs tiennent la barre, fermement. Il est planté là, en maître, sans discussion. D'ailleurs il ne dit plus rien. Silence. Il a une mâchoire de chrome, et les yeux rivés sur l'horizon. Comme s'il était à lui. Comme s'il allait dévorer le monde entier avec. Il fixe cet horizon comme si c'était une partie de son être, tout simplement. Son dû. Et moi je reste là, pendue à son bras, à fixer cet horizon avec lui. Avec toute sa force pour me relever. Sans comprendre, je me retrouve là, toute petite, pendue à son bras, avec son corps pour me couper le vent froid, avec son regard sans détour, si évident. Avec sa présence, de nouveau. Comme jamais.

Et quand je le remercie pour ce nouveau voyage, clignant encore des yeux devant tant de majesté, il ne dit rien. Il ne dit plus rien. Il me gratifie d'un rire profond, chaud, et souverain.

Je vous salue bien bas, monsieur le Capitaine.

Comme vous m'avez manqué.   

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