Catégorie: Etats d'âme
C'est incroyable parfois comme il suffit de pas grand chose pour vous changer la vie. Moi il a suffit que je change d'endroit, et d'un seul coup j'ai l'impression de me retrouver. Si j'avais des doutes sur le fait de vivre à l'école - sur mon lieu de travail autrement dit - sous le regard des parents, des élèves, des élus, à portée de main de tout ce petit monde, de vivre dans un lieu public où les gens rentrent et sortent à tous moments, si j'avais des doutes au départ, ils se sont envolés.
Parce que je suis dans ma bulle, une bulle géante, une bulle multiforme, une bulle qui ressemble à un royaume. Cette école est mon château. Aussi incroyable que cela puisse paraître, c'est exactement ça. Je suis ici comme dans un château, un grand château biscornu, avec des coins et des recoins, des escaliers, des fenêtres, plein de portes partout, un grand chatêau qui serait placé en haut d'une haute colline faisant face à tous les environs, et que tous le monde verrait depuis tous les environs. Un château de conte de fée déjanté, un truc magique, où je recrée mon petit monde, entre l'enfance et l'imagination, où je me retrouve, libérée et m'étalant, à faire mes petites choses, à me raconter mes petites histoires, seule avec moi-même, comme j'aime, seule avec moi-même mais plantée au milieu du monde.
C'est un vrai bonheur, une vraie nouvelle vie.
Je me souviens il y a deux ans, quand j'ai vu cette école pour la première fois. Je me souviens d'abord de la photo. Mes parents avaient fait le tour de toutes les écoles du coin dans lesquelles il y avait des places à prendre, et ils avaient fait des photos et pris des notes pour que je fasse mon choix. Etrangement, je me souviens de la photo de mon école. C'est la seule dont je me souviens. Parce qu'elle m'avait marquée, avant même que je sache que ça serait la mienne. Je me souviens d'être d'abord juste passée devant l'école en voiture avec le coeur qui tapait. Et puis quand je suis rentrée dans ma classe pour la première fois. La première visite. Bien avant de savoir qu'il y avait un logement de fonction et qu'un jour même, j'y vivrais. Je me souviens de cette première impression: entre elle et moi ça allait coller. Je me souviens de l'odeur, de l'ambiance. Je n'imaginais pas à quel point j'avais raison alors quand je sentais quelque chose de possible ici, quand j'ai dit à ma mère ce jour là: "Voilà, c'est mon royaume". Parce que de toute ma vie, c'est l'un des seuls endroits que je sens être vivant, vraiment, comme s'il avait des racines jusque dans la terre, comme s'il m'enracinait moi même, et que je le sentirais respirer avec moi. Et ça m'apaise, c'est mieux qu'un simple point d'ancrage, c'est toute une fôret. Rien ne peut m'arracher. Cette école veille. Comme si je ne faisais qu'un avec ce monstre énorme et nonchalant.
Cet endroit me dit que je suis.