Catégorie: Au Boulot!
Certains de mes élèves ont la vivacité de poissons morts. Et les yeux de merlans frits qui vont avec. Quand c'est pas le sourire niais. Ou les deux.
Et en ce moment j'ai envie de les claquer. C'est que des gosses, c'est pas leur faute, mais sérieux quand je les regarde, quand ils me parlent avec leur air bête, j'ai envie de hurler. Je m'en veux un peu de les prendre en grippe juste parce qu'ils sont idiots, lents, niais, empotés, peureux et j'en passe, mais ils me laissent tellement démunie que finalement je déteste l'image d'impuissance qu'ils me renvoient. Impuissance face à la bêtise absolue, désespérante, l'expression parfaite de ce qu'il y a de plus navrant dans l'humanité. Personne ne peut rendre un idiot intelligent, ne rêvez pas. Alors je fais quoi de ces gamins? Ceux qui sont plein de tares, ceux qui sont limités, ceux qui sont traumatisés... L'année dernière j'avais réussi à gérer, parce que des cas aussi sérieux j'en avais que deux. Là ils sont trop nombreux, je capote.
Quand je les regarde je trouve la vie injuste. Et je déteste l'injustice. Et je déteste la faiblesse. La mienne. La leur.
Alors je les regarde le moins possible. En attendant de trouver mieux. Je tente de rester la plus gentille possible, de ne pas les prendre définitivement en grippe. Je tente d'être quand même leur maîtresse. Même si Darwin me donne envie de les émiminer tout de suite. De ne garder que les plus forts. De ne construire que là où c'est possible. Parce qu'avec ces gamins, c'est comme bâtir des châteaux dans des sables mouvants. Peut importe ce qu'on leur enseigne, ce qu'on tente d'expliquer, ça disparait inexorablement, sans qu'on puisse lutter, ni nous, ni eux. Ils sombrent. Et j'assiste à la catastrophe sans pouvoir trop rien faire. Avec l'envie de tourner le dos, de fuir. Instinct de survie.
Quand je les regarde je trouve la vie injuste. Et je ne veux pas me laisser faire, je ne veux pas baisser les bras. A l'image de Don Quichotte. Se battre pardce que justement moi, j'ai la chance de savoir, de pouvoir, la chance d'être du bon côté de la barrière de Darwin. Tenter de leur apporter ce que j'ai reçu, un peu. Il faut une bonne dose d'inconscience pour vouloir bâtir des châteaux dans leurs sables mouvants. Mais si je ne le fais pas, si je ne leur offre pas cette chance, autant changer de métier de suite, et autant brader toutes mes valeurs en partant. Je rumine ma peine, je cherche comment. Comment faire pour laisser ne serait-ce qu'une trace, quelque chose qui ferait la différence, pour aller les chercher dans ces retranchements de bêtise. Je tente. Encore et encore. Rien ne prend. Le sable avale tout.
Leurs yeux béants me laisse seule.
Et je me dis que Darwin a raison. Jusqu'au bout. Avec cet effroi devant un massacre annoncé, je me tiens devant le trou creusé par la société pour eux. Parce que Darwin a inexorablement raison.
Les plus faibles ne survivront pas.