Catégorie: Au boulot!
Ce matin sur le trajet aller pour l'école, je coupe la piste cyclable comme tous les jours, en roulant au pas, le brouillard gris en plus. Et là, comme je jette nostalgique un oeil vers cette piste qui se perd dans une brume fantomatique, j'aperçois dans une faction de seconde la silhouette altière d'une biche qui me regarde passer. J'en suis restée ébêtée, pour un peu j'aurais presque fait demi-tour pour vérifier que je n'avais pas rêvé. Apparition d'un autre temps, d'un autre monde.
A peine arrivée je prends le téléphone pour appeler le collège, organiser la visite de mes CM2, me plante dans les dates, galère avec la secrétaire qui se trouve obligée de changer trois fois la date avant que je me décide, et qui ensuite ne sait pas me dire qui fera la visite. Tant pis, merci, au revoir.
Je me jette au boulot pour organiser les expériences de sciences de la matinée. Mon bureau est toujours comme le triangle des bermudes, les trucs y disparaissent sans arrêt, j'y perds même des livres de maths, y retrouve les petits papiers hyper importants dont j'avais besoin la semaine dernière, les froise en ralant et les jette. Le livre de maths refait surface, je photocopie à la vitesse de la lumière.
Je meurs de chaud, j'ai mis des fringues d'hiver ce matin, je peux rien enlever sinon ça va me faire un décolleté indescent... j'émets une seconde l'hypothèse de faire l'aller-retour vite fait jusque chez moi à midi pour aller chercher un truc plus léger. Ouais si le soleil se décide à pointer le bout de son nez j'irai...
A la récré je découvre avec bonheur que la cantinière à mis des gaufrettes dans la boîte à gâteaux... j'en prends trois et bois mon chocolat d'un trait. Je fais la police, les gros yeux, les petits yeux, des moulinets des mains, et je prends ma grosse voix pour sermoner les casse-pied. Je donne du coffre pour hurler après ceux qui sont tout au bout de la courre et qui donnent de grands coups de pieds. Y'a pas de raison, moi aussi je profite de la récré pour donner de la voix.
Pendant que je fais une leçon aux cm2 sur les calculs d'aires, un de mes ce2 qui n'a pas écouté les consignes se plante de feuille d'exercices et prend celle de sa camarade niveau ce1. Il s'étonne que c'est facile, attirant mon attention, et écope d'une remise en place comme il faut et d'une punition. Obligée de refaire la photocopie de la feuille pour sa camarade en quatrième vitesse pendant que les cm2 finissent de copier.
Ce midi je grimpe sur la grande échelle pour accrocher les affiches des expériences de sciences super haut histoire d'économiser de la place, je rédige deux mots pour des parents, je me bataille avec un morceau de la kermesse, je vais manger avec 45 minutes de retard, comme d'habitude. C'est la cantinière qui vient me chercher, elle râle qu'elle a remis les lentilles au chaud et qu'il faut vraiment que je mange mes radis en vitesse...
J'avale mes radis en feuilletant un catalogue qui me donne des idées... tiens si je faisais du handball l'année prochaine... mais il faudrait acheter des cages... pourquoi pas elles sont pas trop chères... faut voir... Cléopatra me parle mais j'entends pas grand chose, de toute façon elle parle de pas grand chose, elle est aussi crevée que moi.
Pour rentrer en classe à treize heure, alors que tous mes gamins sont en rang et que les petits sont déjà rentrés, je dois creuser à un mètre de profondeur dans la sablière histoire de récupérer les chaussures d'un petit que ces camarades avait enterré. Très drôle. J'y passe 10 minutes. Je vais pousser une gueulante dans la classe des peutiots en disant que la prochaine fois je punis.
Le soleil ne se montre pas. Heureusement parce que de toute façon j'aurais jamais eu le temps de rentrer me changer... l'orage monte peu à peu.
Rebelotte à la récréation. Ils laissent tous leurs fringues, pulls, casquettes, vestes et autres n'importe où dehors, ça jonche les bancs comme un dépotoir et ça m'horripile. Je ramasse tout, débarque dans la classe et braille que c'est pas des chiffons mais des vêtements, leurs vêtements, et que la prochaine fois je mets tout à la poubelle et qu'ils iront les récupérer dedans. J'ai la mourtarde qui monte...
Leçon d'histoire qui traîne en longueur... on y passe quasiment tout l'après midi. Les CE2 qui n'ont toujours pas fini de copier, comme à chaque fois. Ca chahute dans tous les sens, pendant que je me coupe en quatre pour arriver à tout faire. Mais rien ne leur va jamais. Un de mes cm1 manque de défoncer la vitre de l'armoire à fourniture, me faisant une peur bleue, pendant que les autres braillent qu'il n'y a plus de pochettes plastiques.
Je me dis qu'heureusement que mon conseiller pédagogique n'est pas venu aujourd'hui.
Ce soir, 5 minutes avant l'heure, je sors littéralement de mes gonds et crache mon ras-le-bol aux visages de mes élèves morveux que je me retrouve obligée de moucher. Première fois cette année que je perds littéralement mon sang froid. J'ai explosé. Et je me suis pas gênée pour leur faire remarquer... "parce que là vous m'avez bien chauffé!"... je prends les grandes mesures dès ce soir. Faire classe comme ça c'est plus possible.
Je plie mes affaires en quatrième vitesse, plante 4 pieds de courgettes et 6 pieds de laitue dans le potager de l'école -les gamins devaient le faire mais ils ont été trop affreux hein - et je file, je rentre sous la pluie, à toute barzingue, Placebo dans les oreilles - ça s'invente pas - et arrive trempée comme une soupe mais ravie. Je balance mes fringues mouillés pour passer un truc confortable et sec. J'avale un chamallow et m'affale dans le fauteuil...
Et j'ai du mal à croire que tout ceci à eu lieu dans la même journée.