Catégorie: Au Boulot!
Ah oui franchement, le Capitaine est pas content là.
- Parbleu Mousaillon, j'en connais un qui voit rouge!
- Euh... j'ai pas bien compris. Vous avez pas dit bleu d'abord?
- Mousaillon! Diable d'idiot!
- Ah oui là je comprends.
- Et bien j'en connais un qui ne comprends pas, lui! Rendez-lui donc justice!
- Oh non Capitaine! Elle peut pas rester encore un peu?
- Qui ça Mousaillon?
- Ben... Justice.
- Vous finirez sur la planche Mousaillon, et ça, ça ne sera que justice!
- Ah ben non alors. Si c'est pour que je finisse sur la planche, elle peut s'en aller.
- Mais elle s'en va oui! Elle retourne à qui de droit!
- Oula... Kidedroi? C'est où ça?
- La planche Mousaillon...
- Raaaaa tout mène toujours à la planche avec vous Capitaine!
- Est-ce une mutinerie?
- Non Capitaine.
- J'ai cru.
- ...
- Et puis vous apprendrez Mousaillon que tous les chemins mènent à Rome, et pas à la planche.
- A Rome? Pourquoi ça Capitaine?
- Et bien pour rendre à Ceasar Mousaillon! Pour rendre à Ceasar!
- Rendre quoi? Ah oui, Justice!
- Bien Mousaillon! On fera quelque chose de vous un jour.
- Un Capitaine?
- Ne rêvons pas non plus.
- Sauf que tous les chemins...
- Mousaillon?
- Oui Capitaine?
- En attendant Rome, prenez donc la planche.
Parce que oui l'autre soir j'étais énervée, très énervée. Il y a une couche de connerie très épaisse à l'Education Nationale, et le plus démoralisant c'est que chacun pris individuellement essaie de bien faire. C'est quand on assemble, quand on multiplie, que ça déconne. L'Education Nationale est vraiment une grande famille. Une vraie grande famille, avec tout ce que ça signifie. Les crétins qu'on peut pas saquer, ceux qu'on voit jamais, ceux qu'on adore, ceux qu'on suporte, les autres qu'on évite. Exactement pareil. Et une fois plongé dans ce tumultueux bazar, difficile de garder son calme parfois.
Ce métier est dur, exigent, il use les nerfs et le corps, il demande un minimum d'abnégation, un maximum de patience, d'implication, d'application. On ne fait pas ce métier par hasard. Sinon on ne tient pas longtemps. Ceux qui s'imagine que c'est une partie de plaisir ferait mieux de passer leur chemin. Dans ce métier on en bave, parce qu'il faut y aller seul, faire bien, quelque chose qu'il est impossible de quantifier, impossible de qualifier: enseigner. C'est un art compliqué, éreintant. C'est être au service des autres, s'obliger à une rigueur, une justesse, ne pas juger, recommencer sans fin. Etre bienveillant tout en gardant ses distances. C'est exercer l'autorité sans en abuser, manipuler la connaissance comme un artisant, faire, défaire, des milliers de fois. Finalement pour enseigner on est toujours seul, et ce que je repproche à l'Education Nationale, c'est de nous faire croire le contraire.
Parce qu'on est seul face à ses élèves, seul face à leurs parents. Seul face aux cahiers à corriger. Face aux programmes à tenir, aux sorties à prévoir. Seul pour faire ses photocopies. On est seul le soir pour penser sa journée du lendemain. On est seul avec des millions de choix à faire. Seul. L'Education Nationale ne sait que poser des limites floues et intenables. Exiger l'impossible. Elle semble ignorer le terrain. Plus on monte, et plus on séloigne de cette réalité.
Pas pour ça qu'il faut jeter les bébés avec l'eau du bain. Parce que ce métier est l'un des plus beau métier du monde. Et quand on est fait pour ça, il est gratifiant, au delà de toute limite. Les gamins sont un moteur puissant que tout bon prof doit avoir chevillé au corps, au coeur, le seul qui peut empêcher de flancher.
On ne supporte pas ce métier pour les semaines de vacances, pour les horaires agréables, ni pour la paye. Parce que croyez moi tout ceci n'est rien en comparaison du bordel que vous prenez plein la tête à longueur de journée, à longueur de semaines, à longueur d'année. Le bruit, l'agitation, l'incompréhension, le rythme infernal, crier, marcher, gesticuler, distribuer, crier encore, punir, soigner, corriger, hurler cette fois, reprendre, corriger, expliquer, crier, sortir, rentrer, refaire, ramasser, crier, corriger, dicter, hurler, punir, distribuer, et marcher, encore et encore, ces petits aller retrour assassins, et toujours parler, toute la journée, à voix haute et claire, et crier encore et encore pour avoir le silence, le calme, l'attention, il faut distribuer et ramasser sans arrêt, et ça s'agite dans tous les sens... Croyez moi, si vous n'avez pas l'enseignement dans la peau, les gosses dans la peau. Vous pouvez vous rasseoir.
Je sais que je fais l'un des plus beau métier du monde, je sais aussi que je fais le seul métier qui me corresponde, pour lequel je sois douée. Je voudrais juste que le système autour arrête de faire du vent, c'est bon, on a compris, on n'y croit plus.
Ceux qui s'apprêtent à rentrer dans le métier n'ont qu'à bien se tenir. Ici rien n'est facile, tout se gagne. Chaque petit pas, chaque petite avancée, autant de petites victoires. Il faut avoir les épaules, la niak, et rentrer dans l'arène comme les gladiateurs, fier mais modeste, et surtout sans avoir peur d'y laisser sa peau. On ne fait pas ce métier à moitié. L'enjeu est trop important.
Ce qu'on gagne dans l'arène face aux lions, c'est leur avenir. C'est pour ça qu'on se bat. Dieu sait que ces lauriers là n'ont pas de prix.
Ceasar peut aller se rhabiller.