Bon vent
Catégorie: Anecdotes
Hier en faisant les courses avec Maman, j'ai perdu mon étole fétiche. C'était une grande étole en coton rouge avec des broderies colorées façon artisanat russe, quelque chose comme ça. Je l'aimais beaucoup. Le plus incroyable pourrait être de réaliser que c'est arrivé, qu'il est possible de perdre une étole de deux mètres carré qui pesait son poids sur mes épaules pourtant, et dans un supermarché bondé qui plus est, et de ne pas s'en rendre compte. Je n'ai réalisé que bien, bien plus tard, en rentrant chez moi le soir, qu'elle n'était plus là. C'est sans doute ce qui me laisse le plus perplexe.
Reste que je l'ai vraiment et pour de bon perdue. Et le plus incroyable alors, c'est que, passé l'incrédulité énervée du moment, ben je m'en fiche. C'est vrai que quand j'ai réalisé que je ne l'avais plus, j'ai pesté, je me suis traîtée de tous les noms, et puis très vite je me suis dit que ben tant pis, quelque part j'avais pas envie de me prendre la tête avec ça. Perdu c'est perdu, pas la peine de battre le ciel des mains et de faire de grands moulinets de bras, ça ne ramène jamais rien. Et puis Maman m'a dit que comme ça elle me resterait à jamais. Et c'est vrai. C'est un peu comme ça qu'on fonde les mythes. Si je l'avais gardée elle aurait fini un jour au fond d'un carton sans doute, trop abîmée peut être, et finalement c'est pas terrible. Je crois que je préfère qu'elle reste dans ma mémoire comme ça, en rejoignant mes mythes personnels, et de m'imaginer que quelqu'un quelque part l'a peut être ramassé et qu'il s'y attachera comme je m'y étais attachée. J'irai pas jusqu'à pousser le truc en disant que c'est comme un cadeau, mais un peu...
Sur ce coup là je me surprend moi même. J'aurai du être triste et fâchée toute la soirée, et ça devrait me contrarier chaque fois que j'y repense. Mais non. Peu importe. Bon vent. Moi qui ai toujours peur de perdre mes affaires, je veux dire perdre à l'extérieur hein, c'est presque maladif. Perdre les choses auxquelles je tiens c'est comme si c'était perdre un bras. Pourtant ce ne sont que des bouts de tissus, des ornements, des babioles. Rien de vital. Hier j'ai perdu une de ces babioles, une de celle que j'aimais le plus sans doute, et je me suis surprise à penser "aucune importance, bon vent". Ce n'était qu'un morceau de coton. Et aujourd'hui en y pensant j'ai un sourire. Je ne me croyais pas capable de me défaire comme ça de ce qui m'appartient finalement. D'apprendre à le confier au hasard. Sans rancune.
Un bout de moi est quelque part, il s'est détaché, et je lui souhaite bon vent. Qu'il porte bonheur à celui qui le trouvera.