Tableau tzigane

Catégorie: Anecdotes

Vu dans le bus vendredi en fin d'après midi...

Une maman et sa fille d'une dizaine d'année qui montent en début de ligne. La mère, chargées de quelques courses, achète les tickets au chauffeur. C'est la gamine qui les valide, le nez collé sur la poinçonneuse, visiblement ravie de ce petit jeu. Ensuite elle va s'asseoir à côté de sa mère, avec un grand sourire. Juste à la périphérie de mon champ de vision. Une femme quelconque de la classe ouvrière, une brune au type slave, la trentaine marquée sur un visage aux traits tirés, souriante, aussi bien apprêtée que sa condition le permet. La gamine a de bonnes joues et une dent en moins, des yeux aussi noirs que sa mère et une queue de cheval défaite par une journée d'école. Fagotée elle aussi de manière modeste, avec le visage lumineux des enfants heureux.

Toutes les deux très complices, elles passent tout mon trajet à s'amuser l'une de l'autre, la fille chatouillant un peu la mère, la mère recoiffant un peu la fille. Elle sont discrètes, rien de très effusif. La gamine se tortille sur son siège en jetant des sourires plein de sous-entendu à sa mère, des sous-entendu de tendresse, des sous-entendu d'amour. La mère regarde sa fille avec des yeux de madone.

Dans mes oreilles, la radio passe un air tzigane arabisant, un violon se languissant pour une voix lointaine et mystérieuse, le ryhtme entêtant du tambourin à cymbalettes, alors que je les regarde toutes les deux se chipougner avec pudeur au milieu de ce bus de fin de journée. Je n'oublierai jamais cet image du bonheur, quelques minutes éternelles. Instant d'amour volé. Tableau vivant. Suspendu à un violon.